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Illustration représentant deux personnages, l'un démocrate et l'autre islamiste républicain

La maladie de Bouteflika et l’opposition

D’un hôpital à un autre

La maladie d’Abdelaziz Bouteflika fait encore parler d’elle et comme à son habitude au moment le plus critique. A peine le président en exercice a annoncé — par le biais d’une lettre lue à la télévision — sa candidature à sa propre succession, qu’il est sorti de sa demeure médicalisée d’Alger pour s’en aller  se soigner à l’hôpital de Genève.

Bouteflika qui ne s’est plus adressé à ses concitoyens plus d’une décade, mérite le qualificatif de président-fantôme. On sait maintenant que les décisions sont prises en son nom, que les missives qui lui sont attribuées n’émanent pas de lui. Et quand, il arrive à Bouteflika d’être montré à la télévision, c’est à une sorte de zombie pitoyable que les Algériens ont droit.

C’est du reste, ce à quoi, les téléspectateurs furent réduits après le retour du chef de l’Etat de son séjour genevois de deux semaines.

Abdelaziz Bouteflika est réapparu sur l’écran tassé dans son fauteuil, la mine déconfite. Personne n’était dupe de la mise en scène qui tentait de donner à voir le « Président » recevant successivement Ahmed Ouyahia et le général Gaïd Salah qui, à l’occasion ont joué au garde-à-vous.

Bouteflika, probablement, ne sachant pas qu’il est en campagne électorale pour un 5e mandat, paraissait revenir d’un profond sommeil. 

Cette scène rappelle la visite qu’avaient rendue Abdelmalek Sellal et ce même Gaïd Salah au même Bouteflika, cinq années auparavant quand il était hospitalisé au Val-de-Grâce à Paris. Ce moment a été immortalisé le 12 juin 2013 par la télévision publique qui avait présenté le président grabataire comme une personne en possession de toutes ses facultés. Ces premières images ont été diffusées un mois et demi après son hospitalisation. La communication de la présidence a soigneusement évité d’interviewer Bouteflika. Ces images, quoique muettes, le montraient en train d’échanger avec ses hôtes. Elles avaient été annonciatrices du 4e mandat. 

En vérité Bouteflika n’a plus sa tête et ce depuis des années. Il ne s’était jamais remis de son accident vasculaire cérébral (AVC) qui l’avait terrassé au mois d’avril 2013. Il devait avoir déjà perdu ses capacités intellectuelles de discernement bien avant cette date. Devenu manipulable, il avait cédé toutes ses prérogatives à son entourage. Depuis avril 2013, c’est un cercle informel de décideurs qui gère le pays en lieu et place du chef de l’État. Cette vérité est essentielle pour comprendre toute la série d’événements qui a conduit à la situation actuelle.

L’AVC est catalogué par le Larousse médical comme une maladie dont on ne guérit pas. Le traitement de l’accident vasculaire cérébral, est-il noté est « d’efficacité limitée, [il] a surtout pour but d’assurer les fonctions vitales du malade et d’éviter l’extension des lésions cérébrales » . Une prise en charge rapide, ce dont Bouteflika aurait bénéficié « permet selon le Larousse de sauver une partie du tissu cérébral en souffrance, et ainsi d’améliorer les chances de survie du patient, de diminuer les risques de séquelles et, le cas échéant d’en atténuer la gravité » . Pour le Larousse « les déficits intellectuels sont, en revanche, souvent irréversibles ».

L’occasion m’a été donnée de voir de très près Bouteflika et ce, bien avant même son AVC. Me trouvant à Chlef avec d’autres journalistes pour couvrir une visite présidentielle, tous les gens des médias présents furent en fin de journée conviés à une pause-photo avec le Président. Vivement intrigué par cette invitation, je m’y rendais avec la ferme intention de me livrer à un examen attentif du chef de l’État. Quel était le message que les autorités veulent délivrer en organisant une rencontre entre les journalistes et un chef d’État souffrant ? Est-ce une préparation de l’opinion à une remise en cause de sa légitimité, ou bien, au contraire, à travers la proximité de la presse, on cherche à valider l’idée que le chef de l’État demeure toujours actif ?

Je me suis débrouillé pour me tenir légèrement en retrait. La première impression que j’ai eue c’est que Bouteflika était sujet à des absences. Il s’enfonçait dans une sorte de rêverie éveillée. Pendant les 10 ou 15 minutes qu’a duré la rencontre, le chef de l’État, les yeux hagards, le regard fuyant, paraissait ne plus savoir où donner de la tête. Tout au long de l’entrevue, il n’avait soufflé mot en se laissant couver par de jeunes journalistes émus jusqu’aux larmes.

Après l’avoir vu dans cet état, je m’attendais sincèrement à une annonce imminente de son départ en retraite. Rien de tout cela n’arriva. Non seulement Bouteflika ira jusqu’au bout de son 3e mandat, il en briguera un quatrième, non sans avoir connu un peu plus tard une aggravation de son état de santé en attrapant un AVC.

Le 4e mandat ou l’institutionnalisation de la présidence fantôme

Sans s’attarder sur la corruption qui a prospéré avec la montée en puissance des nouveaux « oligarques » ; il est important de décrire les traits saillants qui caractérisent le 4e mandat bouteflikien. Car la crise que nous vivons aujourd’hui découle du fait qu’on ait maintenu à la tête de l’État une personne complètement invalide. Ce n’est pas la première fois qu’on foule au pied la loi fondamentale, mais de toutes les violations que celle-ci a eu à subir, elle est celle qui a induit les conséquences les plus lourdes pour la société.

— Un pouvoir informel se substitue au pouvoir légal, les prérogatives du chef de l’État ayant été transférées à un groupe opaque, protégé par la police politique.

— Le pouvoir légal est représenté par un vieillard aphone et paralysé qui s’adresse à son peuple par le biais de lettres écrites par d’autres. Il est exhibé lors des visites de dirigeants étrangers dont on escompte la caution.

— L’ensemble du gouvernement en est réduit à jouer la comédie du Conseil des ministres, la presse à diffuser des fake-news attribuant les décisions de l’autorité informelle au président-fantôme.

— Il en est résulté un climat politique malsain où le mensonge officiel tient lieu de vérité incontestable.

L’opposition et la maladie présidentielle

Sans remonter à très loin, le discrédit dont l’opposition est aujourd’hui frappée vient en grande partie du fait qu’elle a grandement fermé les yeux sur la maladie présidentielle. Le pouvoir en place a réussi à la neutraliser en l’intégrant dans un système vicié placé sous l’égide d’un chef invisible et inaudible.

Pourtant en avril 2011, au lendemain des « émeutes de janvier» , Ali Yahia Abdennour, ex-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) avait plaidé ouvertement pour l’application de l’article 88 de la constitution afin de destituer Abdelaziz Bouteflika pour cause de maladie. Dirigé alors par Saïd Sadi, le RCD qui semblait être sur la bonne voie, avait appuyé fortement cette demande.

Le RCD avait alors estimé que les Algériens ont maintenant la certitude que Bouteflika est dans l’impossibilité de gouverner. Mais ce discours du RCD tout à fait novateur date de l’époque où il brûlait de faire une cure d’opposition. Durant les années 1990, ce parti s’était fait connaître pour son soutien au régime militaire. Ce n’est qu’avec la naissance de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), née des suites des protestations populaires de janvier 2011 que Saïd Sadi se décide à ré-endosser son costume d’opposant. Dès lors, comme pour faire oublier son passé récent, on le voyait chaque samedi braver les forces de l’ordre dans la capitale.

C’est lui qui a donné, malgré tout, un peu de coloration à cette éphémère CNCD dont l’avènement avait coïncidé avec la Révolution du jasmin. Le FFS aurait pu soutenir la démarche, mais il semble avoir tenu rigueur à son rival de s’être rangé du côté du pouvoir durant la guerre civile. Cette fronde impertinente a valu au RCD d’être mis en quarantaine par le pouvoir.

En 2012, tandis que le FFS faisait un retour remarqué à l’Assemblée nationale populaire (APN), le RCD était sommé de s’éclipser.

Il fallait attendre la mi-juillet de l’année 2013, à l’occasion du retour de convalescence de Bouteflika pour voir se raviver les inquiétudes à propos de la santé du chef de l’État. Après 80 jours passés à l’hôpital du Val-de-Grâce, Bouteflika rentre au pays sur un fauteuil roulant. Dès le retour du chef de l’État, la présidence annonce dans un communiqué que le président poursuivra « une période de repos et de rééducation » sans autres précisions.

Revenant à la charge, le RCD, passé entre temps sous la direction de Mohcine Belabbas, hausse le ton en exigeant une expertise médicale indépendante à l’effet de constater une infirmité préjudiciable au bon fonctionnement de l’État 1.

Adoptant le même ton, le président de Ahd 54, Ali Fawzi Rebaïne relève que «Si Bouteflika peut signer des décrets et peut écrire des messages de félicitations, pourquoi il ne s’adresse pas aux Algériens pour les rassurer sur son état de santé et sur les affaires du pays ?2»

Pour sa part, Abderezak Makri, dirigeant du parti islamiste MSP, s’interroge sur l’identité de celui qui gouverne le pays. Pour lui « le Parlement et l’Exécutif ne sont que des façades. Les décisions politiques ajoute-t-il, sont prises en toute opacité.2 »

En dépit de tout cela, les généraux parviennent à imposer un 4e mandat pour Bouteflika. ce dernier est « réélu » président de la république le 17 avril 2014, face à Ali Benflis, son ancien chef de gouvernement qui pour la seconde fois se laisse entraîner dans une élection jouée d’avance.

Pour autant ce scrutin a été boudé par le FFS, le RCD, le MSP et Jil Jadid qui a conditionné sa participation au retrait de Bouteflika, estimant que la candidature de celui-ci signifie que l’élection est « fermée ». Quant au FJD d’Abdallah Djaballah, il a appelé la classe politique à laisser le chef de l’État « se représenter tout seul ». De son côté, Abderrazak Makri du MSP affirme que « présenter un homme malade est une insulte à l’intelligence des Algériens3 ». Du reste, le dirigeant islamiste n’hésite pas à pointer du doigt le « clan présidentiel2 » allusion au général Gaïd Salah. Pour lui ce clan veut «présenter un homme malade pour gouverner, en coulisses, à sa place».

Le cas du PT est caractéristique de ces formations hyperconservatrices qui se croient de l’extrême-gauche. Louisa Hanoune, sa secrétaire générale a, de tout temps accompagné Bouteflika dans tous ses mandats. Elle a pris goût de se présenter contre lui aux élections présidentielles successives pour ensuite pactiser avec lui pendant toute la durée de ses mandats. Elle représente une sorte d’ « opposante maison » cordialement reçue par Bouteflika ou son entourage et qui de temps en temps alimente la presse politique de petites confidences.

Pourfendeuse de ceux qui demandent l’application de l’article 88 de la constitution(relatif à la destitution du chef de l’État pour cause de maladie), elle tenait à couver son président-malade jusqu’au jour où elle comprend qu’il n’y avait rien à en tirer. Ainsi, dès la fin de l’année 2015, elle commence à alerter le Landerneau politique algérois : « Depuis une année, il y a un pouvoir parallèle qui interfère dans la décision de l’État, de sinistres individus s’expriment au nom du Président et s’approprient ses prérogatives. Cela ouvre la voie à l’ingérence étrangère sans compter les dangers sécuritaires extérieurs qui s’amplifient. 4» En décembre 2015 elle réussit à joindre à sa propre signature celles de 14 autres personnalités pour demander une audience à Bouteflika afin de vérifier si c’est bien lui qui dirige le pays. Quelques mois plus tard, Louisa Hanoune oublie tout.

Visiblement soucieuse de ne pas perdre son quota de députés qu’elle pourrait arracher à l’occasion des élections législatives de 2017qui approchaient à grands pas, elle déclarequelques jours avant la tenue de ces joutes que « Les pires rumeurs sur l’état de santé de Bouteflika sont infondées »5.

Quant au positionnement du FFS par rapport à la maladie de Bouteflika, il semble avoir été déterminé non seulement en raison de sa rivalité avec le RCD, comme on vient de le voir, mais aussi en raison du désengagement progressif pour cause de grand âge de son chef historique, Hocine Aït Ahmed. Le FFS pouvait tout de même réviser sa position mais il ne l’a pas fait, préférant lui aussi s’embarquer dans le 4e mandat. Le retrait d’Aït Ahmed de la vie politique a favorisé l’ascendant de Mohand Amokrane Cherifi, qui fait en 2013 son entrée au sein de la présidence collégiale du FFS. Cet ancien ministre sous Chadli et expert auprès des Nations unies, a dû imprimer une ligne plus technocratique au doyen des partis d’opposition. Une volonté de se rapprocher des centres de décision se manifeste. Le FFS paraît nourrir l’ambition de convaincre la classe politique et les généraux d’aller vers une conférence de consensus à même de fixer les conditions d’une transition qui aboutirait, à terme, sur le départ du pouvoir en place et ce, sans recours aux manifestations de rue. Ce choix que le parti qualifie de « tactique » s’avère être un désastre stratégique. Ou bien le FFS est de connivence avec le système, ou bien il s’est mépris sur lui-même. Cependant, il se peut que ce parti ait eu de bonnes intentions, mais qu’il ait été victime de ses propres limites et imperfections. Le FFS aurait perdu ses capacités analytiques depuis qu’il a voué aux gémonies nombre de ses cadres les plus compétents. Dans l’hypothèse où il serait devenu naïf, le parti fondé par Aït Ahmed, a dû penser que la meilleure façon d’obtenir gain de cause est de ne pas heurter l’orgueil qu’il sait être démesuré des membres qui composent le noyau dur du pouvoir militaire.

Les développements récents que connaît le pays prouvent que cette formation politique vivait sur une autre planète. Dans la pure langue de bois, ses responsables soutiennent que le pays vit « une crise de régime » et « pas une crise de personne » .En d’autre termes, le FFS n’en a cure de la maladie de Bouteflika. Il l’a considère comme un épiphénomène, la priorité étant donnée à la substitution du régime autoritaire par un régime démocratique. Ce discours, un tantinet théorique et démagogique qui incline à gommer la relation étroite existant entre « crise de personne » et « crise de régime » fait perdre au FFS l’espace protestataire qu’il avait longtemps occupé. Manquant de psychologie la plus élémentaire, il a ignoré l’humiliation que les autorités font subir à la société en lui imposant un vieillard hémiplégique, incapable de prononcer la moindre parole. Le FFS cédera ainsi l’espace protestataire au mouvement Mouwatana précisément parce que celui-ci n’a eu de cesse de se dresser contre le 5e mandat en arguant de la dégradation de la santé du chef de l’État et de l’usurpation du pouvoir par son entourage. En se montrant plus soucieux de l’éthique politique, Mouwatana a ainsi gagné en visibilité.

Toujours est-il que le FFS s’est retrouvé dans cette position paradoxale de vouloir à la fois battre le régime et adopter une attitude très conciliante à son égard. Ce flou dans la communication, ajouté à l’abandon de l’espace protestataire, ont relégué au second plan le boycott de l’élection présidentielle auquel ce parti avait appel pour empêcher la réélection de Bouteflika pour un 5e mandat.

Les législatives de 2017

Pour rappel ces élections eurent lieu sous le 4e mandat de Bouteflika. Les partis qui y sont arrivés en tête sont le FLN et le RND, coquilles vides, qui pourtant ont arraché respectivement 161 et 100 sièges à l’assemblée populaire nationale. Hormis Jil Jadid, tous les détracteurs de l’élection présidentielle de 2014, ont pris part à ces élections. Le régime a beau jeu, à l’occasion de ces joutes, d’organiser la distribution de la rente, étant parvenu à arracher implicitement à ses partenaires qui lui sont hostiles ou favorables une validation de la fraude. N’était le Hirak qui ultérieurement a mis à nu ce système, l’affirmation selon laquelle le nombre d’électeurs revendiqué par le FLN et le RND est fictif, aurait été difficilement admise par l’observateur étranger. Le RCD, comme on l’a vu, fut le fer de lance de la campagne anti-Bouteflika. Pour autant, il a rejoint l’arène électorale où il s’en est tiré avec 9 sièges. Le FFS qui, depuis à peu près 2011, observe vis-à-vis du pouvoir le comportement le plus conciliant de son histoire — a obtenu 14 sièges. Il avait fait mieux par le passé, mais à l’époque, il jouissait d’une audience populaire autrement plus importante.

Le parti politique d’opposition algérien : mode d’emploi

Depuis l’arrivée de Bouteflika aux affaires 6, les partis d’opposition, dans leur quasi totalité, semblent avoir conféré à chaque élection, sa particularité propre. De sorte qu’ils ont coutume — l’exception confirmant la règle — de bouder les élections présidentielles, d’une part, et de participer aux élections législatives et locales, d’autre part. Pour eux l’élection présidentielle est la grande blague à laquelle il ne faut accorder aucun crédit. Cependant, la participation aux autres scrutins — perçus comme des blagues de seconde importance — est considérée comme un choix « tactique » ,euphémisme qui, en réalité, ne signifie rien d’autre qu’un choix « imposé ».

Les élections locales et législatives, outre qu’elles assurent une rentrée d’argent dans les caisses des partis, leur permettent d’entretenir une présence au sein des institutions locales, nationales, voire internationales.

A la veille de chaque élection, et selon l’enjeu du moment, les services spéciaux semblent être à la manœuvre pour conclure des accords en sous-mains avec les « partis » dont les bases respectives sont délibérément tenues à l’écart. C’est lors de ses moments creux que se préparent les futures renonciations et les spectaculaires changements de positions. Les partis politiques sont appréciés pour leur rôle de faire-valoir, et l’écho médiatique qu’ils sont susceptibles d’engendrer à destination de l’opinion et surtout internationale.

A titre d’exemple, ayant retrouvé son quota de députés après une période de disette, Mohcine Belabbas, qui ne demandait rien d’autre que la tête du chef de l’État, peut alors déclarer au magazine français Le Point du 27 février 2017 que Bouteflika « continue à gérer le pays » . Il soutiendra mordicus que « le chef de l’État n’a jamais géré le pays comme il le gère depuis 2014. » Et de s’exclamer « La raison est très simple. Quel chef d’État algérien a osé réviser la Constitution aussi profondément comme l’a fait Bouteflika en février 2016 ? Et quel chef d’État a révisé la loi électorale pour exclure des partis politiques de la compétition électorale comme Bouteflika l’a fait ? Rien de cela n’aurait pu avoir lieu si le chef de l’Etat ne dirigeait pas.» On aura rarement vu un retournement de veste de cette coupe.

Y a-t-il eu des tractations autour de la reconnaissance du berbère (tamazight) ? Quoi qu’il en soit, la révision de la constitution à laquelle Mohcine Belabbas faisait allusion est celle-là même qui avait consacré la langue de Jugurtha comme langue nationale et officielle. C’est l’une des revendications phares des partis implantés en Kabylie.

Le Hirak et l’opposition

Le système politique que le mouvement populaire du 22 février dénonce englobe cette imbrication entre pouvoir de l’ombre et cette catégorie d’opposition complaisante. Il ne faut donc pas s’étonner si Louisa Hanoune soit confondue avec le système, car elle en fait partie.  Ce système qui repose sur le mensonge d’État, mobilise, un personnel politique formé de faussaires tout en s’assurant de la présence en son sein d’éléments parfois sincères et intègres.

Dans cette Algérie du 4e mandat, il y a eu peu de dirigeants de l’opposition ou de la société civile qui ont osé dénoncer le mensonge d’État permanent et l’humiliation qu’on a fait subir à la société algérienne. Les voix qui s’étaient élevées ont été vite étouffées  ou marginalisées. Qu’on se rappelle du cri conjoint d’Ali Yahia Abdennour, d’Ahmed Taleb-Ibrahimi et de Rachid Benyellès. En octobre 2017 ils avaient fustigé « les responsables [qui] poussent l’arrogance et le mépris envers les citoyens jusqu’à préparer la candidature pour un cinquième mandat présidentiel, d’un vieil homme impotent et incapable de s’exprimer » .

Il est significatif que les personnalités qui ont été le plus fréquemment évoquées pour encadrer le mouvement populaire se trouvent soit dans la société civile, soit dans l’opposition marginalisée (parti non agrée ou parti n’ayant pas de députés au parlement). L’idéal aurait été que quelqu’un comme Saïd Sadi prenne le train en marche. Mais hélas, celui qui s’est trompé de société en 1992, se trompe de peuple en 2019. Même discours dénonçant Bouteflika, aucune empathie envers la société qui a enduré le parachutage d’un homme que tout destine à rester chez lui. Aucune dénonciation du cercle informel qui s’est emparé des prérogatives du chef de l’État. Ceux qui dénoncent l’ordre mensonger s’appellent désormais Fodil Boumala, Karim Tabbou, Mustapha Bouchachi, et parfois Zoubida Assoul et Soufiane Djilali.  Ces hommes et femmes ont en commun d’avoir maintes fois souligné l’incapacité de Bouteflika à gouverner. Pour le peuple algérien, Bouteflika est un cadre, juste une vénérable relique à remiser dans un musée. Or certains « démocrates » usent des mêmes éléments de langage que le pouvoir en créditant encore Bouteflika d’être du monde des vivants. Ce qui dénote un manque de psychologie de leur part.

Mis à jour le 22 décembre 2022

NOTES :

  1. El Watan du 18 juillet 2013
  2. Ibid.
  3. El Watan du 20 février 2014.
  4. TSA du 22 décembre 2015.
  5. El Watan du 16 mars 2017
  6. Notons que les élections présidentielles qui ont eu lieu durant la période du HCE et du général Zeroual avaient une signification quelque peu différente. Les formations qui y prirent part, entendaient consolider les institutions qui ont découlé du putsch contre Chadli. Deux types d’acteurs, le courant islamiste (MSP, ex-Hamas) et le courant laïc (RCD, PRA) sont venus servir d’appoint aux partis du pouvoir, le FLN et le RND. Si le MSP nourrissait l’ambition de supplanter les partis du régime, le RCD et le PRA faisaient office de faire-valoir.

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