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Abdelaziz Bouteflika, malade, l'esprit ailleurs, est montré à côte d'Angela Merkel

Bouteflika, président : un mensonge d’État

Angela Merkel est bien contente de la visite qu’elle vient d’effectuer à Alger en ce mois de septembre. Elle est repartie chez elle soulagée d’un problème qui lui taraudait l’esprit depuis de longs mois : comment sauver sa place de chancelière d’Allemagne dans un pays de plus en plus gagné par la fièvre xénophobe et anti-migrante ?  Sous ses airs de dame souriante et paisible se cache pourtant une inclination à la duperie. La télévision algérienne l’a montrée en train de s’entretenir avec un président algérien que tout le monde sait aphone et incapable de prononcer la moindre parole. L’affirmation que Bouteflika gouverne l’Algérie est un mensonge d’État. Un mensonge que les dirigeants algériens tiennent sans cesse à faire avaliser par leurs hôtes étrangers en visite à Alger. Hormis quelques personnalités politiques et le mouvement Mouwatana, tout le gotha politique y compris ce qui reste de l’ancienne opposition, a acquiescé, qui d’un sourire, qui d’un soupir, à ce gros mensonge.

Une digression qui me parait importante : Mouwatana tient un discours ambigu, lors même qu’il dénonce le maintien au pouvoir d’un homme inapte à gouverner, il adresse à Bouteflika une lettre l’exhortant à renoncer à un 5e mandat.  Or Mouwatana sait très bien que ce n’est pas la bonne personne qu’il faut saisir. Ce mouvement a cependant le mérite d’avoir démontré qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des députés ou des élus pour faire de l’opposition. Une assemblée croupion reste une assemblée croupion. Qu’une députée Sakharov y siège, cela ne change rien quant au fond du problème. Le système prébendier algérien confirme une fois de plus ses aptitudes à absorber les symboles. Tout compte fait, les partis qui ont permis le maintien au pouvoir d’un homme ayant perdu ses capacités mentales et physiques, ne méritent pas le qualificatif d’opposants. 

L’État menteur

Je reviens à cet État qui ment aux Algériens sur l’état de santé du premier magistrat du pays. L’État ment aussi à lui-même. Devenu mythomane, l’État ment en permanence et ce, tous les jours. La classe politique aussi excelle dans le mensonge. Elle nous ment sur son rôle dans le système politique, en se décrivant comme une entité qui lui est étrangère. Des signatures clôturent des contributions avec la mention « Homme politique ». En quoi un homme est politique lorsqu’il se tait sur ce gros mensonge qu’est la reconduction d’un malade grabataire à la tête de l’État ?  La presse aussi, tous les jours, elle doit faire de grosses manchettes où l’on y lit que « Bouteflika recadre ses ministres »,  « Bouteflika limoge des généraux », « Bouteflika nomme X ou Y », « Bouteflika met fin aux fonctions de », « Bouteflika décide de combattre la corruption », etc., etc. Des titres de presse nous rebattent sans cesse les oreilles avec une petite phrase qui avait été prononcée par un homme politique mais qu’on aurait pu entendre de la bouche de nos grand-mères. Enfants on nous berçait d’histoires d’hommes ambitionnant de mourir sur le trône. Bouteflika souhaite mourir président, c’est cette lecture politique qui y est proposée pour comprendre le drame algérien.   

Les dirigeants qui affirment recevoir leurs ordres de Bouteflika mentent également. Les conseils de ministres ne sont que des mensonges télévisés à l’exemple de l’entretien entre Merkel et Bouteflika. Aussi, l’État a menti en déclarant qu’il avait dissous la police politique. Qu’importe son nom ou la nature de sa restructuration, SM, DRS ou DSS, sa fonction demeure la même : empêcher les citoyens d’exercer leurs droits politiques. Les chefs historiques de la Révolution dont les opinions pouvaient susciter la frayeur à la clique qui s’est accaparée des rênes du pouvoir, ont tous vieilli avant de disparaitre. Aït Ahmed n’est plus là pour dénoncer la police politique. Depuis que les autorités ont annoncé la restructuration des services de sécurité, le DSS de Tartag est devenu un sujet tabou. On ne doit pas en parler, car si on le fait, cela pourrait vouloir dire que rien n’a changé. Par contre, il est permis d’évoquer son prédécesseur Toufik. Dans sa crise d’hystérie, l’État est allé jusqu’à affirmer que Bouteflika a instauré un pouvoir civil. Un autre gros mensonge qui passe d’autant mieux qu’il est relayé par les médias internationaux. En réalité tandis que se déployait l’hystérie étatique à travers la théâtralisation de la vie politique et la diffusion de communiqués attribués à Bouteflika, ce dernier avait déjà quitté la scène politique. On peut considérer qu’un responsable politique est mort politiquement dès l’instant où sa maladie l’empêche de tenir un discours public. Bouteflika n’en a pas tenu depuis 2013, date de son hospitalisation pour un AVC à l’hôpital du Val-de-Grâce. La déclaration que vient de faire au Figaro l’ancien chef de la DGSE et ex-ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, confirme si besoin est, ce que j’ai écrit à propos de Bouteflika dans maints endroits de ce blog, mais aussi le constat qui avait été dressé par Ahmed Taleb-Ibrahimi, Ali-Yahia Abdennour et Rachid Benyellès en octobre 2017 1. Tirant la sonnette d’alarme, ces personnalités notaient ceci : « Totalement absent de la scène nationale et internationale, [Bouteflika] apparaît, dans les rares occasions où il est exhibé pour dissiper les rumeurs et montrer qu’il est toujours en vie, dans un état de délabrement physique qui ne laisse aucun doute sur son incapacité à gouverner ».  Après le passage de Merkel, on pouvait voir comment Djamel Ould-Abbès exultait, en donnant du ‘imlaq (géant) à Bouteflika, en tentant d’orienter la lecture de cet événement, qui en réalité n’a fait que ternir davantage le blason de la diplomatie algérienne.  

Le 4e mandat, une supercherie

Le 4e mandat n’avait donc été qu’une supercherie. Le coup d’État a bel et bien eu lieu et on nous promet sa réédition en 2019.  « Ça se voit que ce n’est pas lui qui décide, il est pris en otage par la mafia. Il doit persister pour que les autres en profitent. On le tient sous perfusion pour qu’il puisse s’asseoir » m’écrit en guise de commentaire un internaute. Cette tragédie-comédie a assez duré, il faut que cela cesse. Il est urgent de mettre hors d’état de nuire cette caste malfaisante qui nous gouverne, il y va de la souveraineté de l’Algérie et de son peuple.

NOTES :

  1. Ce sont les personnalités qui n’ont pas de partis politiques qui avaient adopté la position la plus conséquente à propos de la maladie du chef de l’Etat. Ces derniers se sont adressés avant tout à l’opinion publique ainsi qu’aux décideurs.

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